mars 14, 2016
Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs les délégués et observateurs, Mesdames et Messieurs, Permettez-moi, tout d’abord, de me présenter : je m’appelle Henry Saragih, je viens d’Indonésie. Je suis président du SPI, le syndicat paysan indonésien, et membre du Comité de coordination international de La Via Campesina.
- Nous, les 54 représentants des secteurs de la petite agriculture, des sans terre, des femmes rurales, de la pêche artisanale, des travailleurs agricoles, du pastoralisme et de l’élevage, des peuples autochtones, des consommateurs, des jeunes ainsi que des ONG, soit 39 organisations de la société civile (OSC) nationale, régionale et internationale issues de 17 pays, nous sommes réunis à l’occasion de la 33e Conférence régionale de la FAO pour l’Asie et le Pacifique. Nous souhaitons remercier la FAO de donner à la société civile la possibilité de vous faire part de nos témoignages.
- Vos chiffres et nos témoignages indiquent que le système alimentaire et agricole n’est pas seulement défaillant, mais qu’il nous tue peu à peu.
- Dans l’ensemble de la région, le nombre d’agriculteurs baisse de façon rapide à cause du suicide, de la pauvreté et de la faim. En Inde, entre 1995 et 2014, 300 000 agriculteurs se sont donnés la mort, tandis que, chaque jour, 2035 abandonnent l’agriculture. De 2003 à 2013, cinq millions d’agriculteurs familiaux indonésiens ont quitté ce secteur. Dans les années 1960, l’Australie comptait plus de 55 000 élevages porcins ; à présent, il n’en reste plus que 600. Chaque exploitation familiale qui disparaît, c’est un coût social pour les populations rurales ; et des bénéfices en plus pour les grandes entreprises transnationales, toujours moins nombreuses.
- L’esclavage moderne touche les pêcheurs embauchés sur les chalutiers commerciaux ainsi que les femmes et les hommes travaillant dans les usines de transformation. Les femmes rurales sont invisibles et déconsidérées alors qu’elles jouent un rôle fondamental au niveau de la production d’aliments, de la conservation des semences, du travail agricole et en tant que gardiennes des familles subvenant à leurs besoins.
- Les règles injustes du commerce international et les accords de libre-échange, comme le TPP, entravent l’accès des petits producteurs aux marchés, et, lorsque nous y avons accès, notre production est vendue à bas prix en raison des positions de négociation inégales.
- Aussi y a-t-il urgence à abandonner ce mode de production basé sur les monocultures, l’utilisation intense de produits chimiques et qui est à l’origine du changement climatique, pour se tourner vers des systèmes agricoles riches en diversité, fondés sur l’agroécologie, régénérateurs, biologiques, résilients et bienfaisants. De nombreux exemples positifs en matière d’agroécologie existent dans notre région, même en Australie, avec, notamment, l’essor du pâturage planifié holistique intégrant plusieurs espèces.
En tant qu’OSC, nous demandons avec instance à nos gouvernements :
- de mettre en œuvre, sans plus attendre, les recommandations de la Consultation multipartite sur l’agroécologie pour l’Asie et le Pacifique
- de renforcer les capacités des coopératives gérées par les petits agriculteurs ou par la population locale pour que celles-ci contrôlent les chaînes de valeur, et d’appliquer une réglementation adaptée à l’échelle permettant aux petits producteurs de produire, transformer et distribuer leurs produits
- de renforcer les systèmes alimentaires locaux en instaurant des politiques en matière d’approvisionnement et de distribution à l’échelle locale privilégiant les chaînes d’approvisionnement respectueuses de l’environnement et équitables sur le plan social, au sein de l’administration locale, régionale et nationale
- de reconnaître la contribution générale de l’agriculture familiale en appuyant l’appel lancé à l’ONU visant à proclamer une Décennie de l’agriculture familiale, et de réexaminer les engagements pris ces dernières années en faveur des coopératives, des sols et autres domaines liés à l’alimentation et à l’agriculture ayant fait l’objet d’une proclamation par l’ONU
- de protéger les consommateurs en garantissant des aliments sûres, nutritifs, diversifiés, produits de façon durable, sans aucun pesticide, antibiotique et OGM
- de pourchasser, rigoureusement, les violations des droits humains dans le secteur de l’alimentation et de l’agriculture, en déployant des efforts sérieux pour veiller à ce que les entreprises rendent compte de leurs actes, y compris des mesures punitives pour les contrevenants. Les instruments pertinents existants comptent, notamment, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural, le projet de Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale ainsi que les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté.
En tant qu’OSC, nous sommes pleinement engagés à travailler avec la FAO. Nous appelons la FAO tout particulièrement :
- à garantir la participation continue et effective des mouvements sociaux et des OSC dans la formulation, la mise en œuvre et le suivi des politiques, accords juridiquement contraignants, programmes stratégiques adoptés par la FAO ainsi que les guides et directives élaborés par la FAO, surtout au niveau national
- à apporter son soutien en faveur d’un suivi et d’un reporting indépendants menés par les OSC sur la conformité et la situation
- à prévoir suffisamment de temps et de place dans l’ordre du jour pour permettre de solides interventions de la part des OSC au cours de la Conférence régionale pour l’Asie et le Pacifique.
Mesdames, messieurs, pourquoi nos jeunes partent-ils vers les grandes villes ? Pour y tenter leur chance, pour y trouver des moyens d’existence dignes. Mais, une fois là-bas, la vie est plus chère ; il n’y a plus aucune relation avec la terre et avec la vie. Ils souhaitent donc rentrer. Or, sans perspective d’avenir, ils ne peuvent pas le faire. Pour que les jeunes reviennent vers l’agriculture, nous devons garantir l’accès au foncier, le contrôle sur les chaînes de valeur et l’accès aux marchés. Il faut nous rassembler et lutter contre la mainmise des entreprises sur les systèmes alimentaires qui doivent, avant tout, être démocratiques. Il en va de notre avenir. Enfin, permettez-moi de remercier tous les gouvernements en Asie-Pacifique qui se sont engagés à remédier certains de ces problèmes, le gouvernement des Philippines qui applique la taxe sur la noix de coco pour soutenir les petits cultivateurs de noix de coco, ainsi que le gouvernement indonésien actuel qui, dans le cadre de sa politique de réforme agraire, a distribué neuf millions d’hectares aux populations sans terre et met en œuvre la souveraineté alimentaire grâce à la construction de milliers de villages agroécologiques et de semences. Je vous remercier d’avoir écouté les préoccupations de la société civile. Nous espérons que la FAO et ses États Membres examineront nos recommandations dans le cadre des priorités et de la mise en œuvre du programme dans la région. AU NOM DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE (OSC) : Action Aid (AA) Asian Farmers Association (AFA) Asian Partnerhsip for the Development of Human Resources in Rural Asia (AsiaDHRRA) Asia-Pacific Network for Food Sovereignty (APNFS) Asian Rural Women’s Coalition (ARWC) Australian Food Sovereignty Alliance (AFSN) BARIO – Malaysia Cambodian Federation of Agricultural Rpoducers (CFAP) Center for Environmental Justice (CEJ-Friends of the Earth Sri Lanka) Center for Social Research and Development (CSRD) Center of Environmental Law and Community Rights (CELCOR-Friends of the Earth Papua New Guinea) Consumers’ International DHRRA Malaysia Farmer and Nature Net (FNN) Friends of Earth International (FoEI) Greenpeace South East Asia International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM) International Federation of Rural Adult Catholic Movements (FIMARC) International Movement of Catholic Agricultural and Rural Youth (MIJARC Youth) Indonesian Peasants Union (SPI) Kesatuan Nelayan Tradisional Indonesia (KNTI) Korean Federation for Environmental Movement (KFEM-Friends of the Earth Korea) Kumpulan Organik Kelantan La Via Campesina (LVC) Malaysian Agroecology Society for Sustainable Resource Intensification (SRI-MAS) National Association of Mongolian Agriculture Cooperative (NAMAC) Palestinian Environmental NGOs Network (PENGON-Friends of the Earth Palestine) People’s Coalition for Fisheries Justice (KIARA) Pesticide Action Network – Asia and the Pacific (PAN-AP) Pro Public (Friend of the Earth Nepal) Sanctuary for Indigenous and Peasant – Sarawak (PANGGAU) Self-Epmployed Women’s Association (SEWA) Southeast Asian Council for Food Security & Fair Trade (SEACON) South East Asia Fish for Justice (SEAFISH) Third World Network (TWN) Urgenci China Wahana Lingkungan Hidup Indonesia (WALHI-Friends of the Earth Indonesia) World March of Women Pakistan World Rural Forum (WRF)