juillet 24, 2018
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Consultation Africaine des OSC sur la mise en oeuvre des Droits des agriculteurs
CIFAN Nyéléni – Selingue, Mali
Du 17 au 20 Juillet 2018
Introduction Du 17 au 20 juillet 2018, 40 participantes et participants venus de 17 pays de toutes les régions d’Afrique, représentants des paysannes et paysans, des éleveuses et éleveurs, des productrices et producteurs d’aliments à petite échelle, des organisations de femmes, des associations et Ong d’acteurs de la souveraineté alimentaire, se sont retrouvés au Centre International de Formation en Agroécologie Paysanne de Nyéléni, Sélingué au Mali pour défendre les droits des paysannes et des paysans sur leurs semences pour la souveraineté alimentaire. La rencontre organisée par le Comité pour la Planification de la Souveraineté Alimentaire CIP et accueillie par la Coordination Nationale des Organisations Paysannes CNOP a été soutenue par les gouvernements de la Norvège, du Brésil et du Mali avec le support de la coopération Sud-Sud de la FAO. Principes Fondamentaux 1. Le préambule du Traité reconnait la contribution des agriculteurs à la conservation, l’amélioration et la mise à disposition des ressources Phytogénétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation (RPGAA). Les délégués à la consultation Afrique considèrent qu’il s’agit des paysannes et des paysans tel que définies dans le projet de déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales du comité des droits humains : « un « paysan » est toute personne qui a − ou cherche à avoir seul, ou en association avec d’autres ou au sein d’une communauté − comme occupation une production agricole à petite échelle de subsistance et/ou destinée au marché, qui s’appuie largement, mais pas nécessairement de manière exclusive, sur la main-d’œuvre de la famille ou du ménage et d’autres formes non monétaires d’organisation du travail, et qui a un lien spécial de dépendance et de rattachement à la terre. » 2. Les systèmes semenciers paysans génèrent la majorité des semences et plants des espèces cultivées et non cultivées en Afrique. Ils sont à l’origine de la diversité des systèmes agricoles et alimentaires. Les semences paysannes sont adaptées à l’identité culturelle des communautés et des terroirs. Les systèmes semenciers paysans reposent sur les connaissances et les pratiques paysannes. Ils sont basés sur des droits collectifs définis par les communautés paysannes selon les us et les coutumes. Ils gèrent de façon dynamique une diversité d’espèces et de variétés paysannes issues de la biodiversité cultivée et non cultivée. Les semences paysannes sont diversifiées, résilientes et évolutives. Elles sont les seules capables de s’adapter à la diversité des terroirs et aux changements climatiques. Les paysannes et les paysans les sélectionnent et les multiplient avec leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être dans les conditions de leur utilisation : le champ de production agricole et alimentaire. Les semences paysannes garantissent l’autonomie des paysannes et paysans et une sécurité permanente du stock semencier au niveau local. Elles permettent de produire durablement en agroécologie paysanne. Elles sont fondamentales pour assurer une alimentation diversifiée, riche et nutritive, and essentielles à la sécurité et la souveraineté alimentaires. Propositions Les Etats ayant ratifié le traité sont obligés de prendre les mesures nécessaires pour protéger et promouvoir les droits des agriculteurs. A cet effet, l’organe directeur du Traité doit faciliter, à travers un processus participatif, l’élaboration de lignes directrices sur l’application de ces droits prenant en compte les recommandations ci-après : 1. Droit à la Protection des connaissances traditionnelles présentant un intérêt pour la conservation des RPGAA Ce droit concerne toutes les paysannes et les paysans sans exception. Leurs connaissances sur les semences sont le fondement de leur subsistance et du lien culturel à leurs terres, à leurs plantes et à leurs animaux. Les Etats doivent inscrire dans leurs lois avec la participation effective des paysannes/paysans, l’obligation de respecter, de préserver et de maintenir ces connaissances, innovations et pratiques des communautés paysannes. Les Etats doivent rendre obligatoire la remise aux paysans d’un accord de transfert de matériel ou autre contrat conforme au principe de consentement libre éclairé et préalable donné en connaissance de cause, lors de toute collecte de semences destinées à alimenter notamment le système multilatéral. Ce contrat ou accord doit engager le bénéficiaire à ne pas déposer de droit de propriété intellectuelle ou tout autre instrument limitant le droit des agriculteurs de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre les semences qu’ils ont offertes. Il doit être rédigé en langue locale et indiquer le lieu où les semences concernées sont conservées et leur numéro d’accession. Les Etats doivent interdire les biotechnologies modernes qui permettent aujourd’hui de disséminer des plantes susceptibles de porter atteinte ou de détruire les semences paysannes et les systèmes sociaux et culturels associés. Lors de la mise en marché des semences, les Etats doivent rendre obligatoires :
- L’information sur tout type de droit de propriété intellectuelle ou tout autre droit restreignant l’accès aux RPGAA et le droit des agriculteurs de les utiliser librement ;
- L’information sur tous les procédés d’obtention, de sélection et de multiplication utilisés.
Le Traité doit mettre en place un mécanisme de traçabilité de tous les matériels permettant d’identifier l’origine des RPGAA utilisées pour l’obtention de toute nouvelle semence ou matériel de multiplication mises en marché. Le Traité doit coopérer avec les organisations internationales, notamment l’Union International pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Protection Intellectuelle (OMPI) pour qu’ils mettent leurs propres accords en conformité avec le respect des droits des agriculteurs. 2. Droit de participer équitablement au partage des avantages découlant de l’utilisation des RPGAA Les Etats doivent surveiller l’utilisation faite des RPGAA Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture issues de leur patrimoine phytogénétique. Les Etats devraient soutenir le Traité dans la collecte des paiements pour le fonds de partage des bénéfices afin qu’il bénéficie aux paysans et les pays en développement. Il convient de faire face aux difficultés que rencontre le Traité à collecter les paiements dus au titre du partage des avantages au bénéfice des paysannes et paysans et des pays en développement. Pour cela, les Etats peuvent mettre en place un système de taxation des bénéfices des entreprises issues de la commercialisation des semences non librement reproductibles et des droits de licence, afin de réaliser le partage des avantages selon des modalités définies avec la participation effective des paysannes et des paysans. La mise en marché de semences librement reproductibles est une contribution au partage équitable des avantages. Le traité doit assurer la participation des paysannes/paysans au choix des destinataires du fonds de partage des avantages. Les systèmes semenciers paysans qui assurent la conservation des RPGAA doivent être prioritaires pour l’utilisation du fonds de partage des avantages. Les mécanismes des appels à projets du fonds de partage des avantages doivent être simplifiés de manière à être accessibles aux communautés et organisations paysannes qui assurent la conservation des RPGAA dans les systèmes semenciers paysans. Le Traité doit garantir le droit des paysans de conserver, utiliser, échanger et vendre les semences qu’ils remettent au système multilatéral à la suite des programmes financés par le fonds de partage des avantages. 3. Droit de participer à la prise de décision au niveau national Aucune décision nationale ou engagement international des Etats concernant les ressources phytogénétiques ne doit être prise sans la participation effective des paysannes/paysans, notamment celles concernant les droits de propriété intellectuelle, la mise en marché des semences, la biosécurité, la gestion des ressources phytogénétiques nationales. Les Etats doivent assurer la fonctionnalité des points focaux du traité, de la Convention sur la Diversité Biologie et de ses protocoles dans la transparence et dans une concertation effective avec les paysannes et les paysans. Pour permettre cette participation effective, les Etats doivent :
- Mettre à la disposition des paysannes/paysans les informations nécessaires dans un délai de 90 jours minimum, permettant leur appropriation collective, notamment en langues locales ;
- Faciliter et soutenir la formation des paysannes et des paysans sur leurs droits aux semences, avec une attention particulière pour la participation effective des femmes et des jeunes qui sont des acteurs essentiels des communautés rurales.
Le Traité doit assurer une participation effective des paysannes/paysans à toutes ses instances décisionnelles et de travail. 4. Droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences et du matériel de multiplication conservés à la ferme[1] Les Etats doivent reconnaitre et promouvoir les systèmes semenciers paysans tels que conçus et pratiqués par les communautés paysannes selon leurs us et coutumes. Les mesures régissant le système semencier industriel et commercial ne doivent pas leur être appliquées, notamment celles relatives à la mise en marché, la qualité sanitaire et la propriété intellectuelle. Les Etats doivent reconnaitre aux systèmes semenciers paysans leurs règles spécifiques qui garantissent la qualité, notamment agronomique, nutritive, sanitaire des semences paysannes et assurent la protection des connaissances paysannes, à travers une initiative volontaire, comme un code de conduite et/ou un système de garantie participatif. 5. Droit aux recours Les lois nationales et les engagements internationaux des Etats doivent prévoir un mécanisme permettant aux paysannes/paysans et aux organisations qui les soutiennent d’exercer un recours contentieux en cas de violation de leurs droits tels que définis à l’article 9 du Traité. [1] En Afrique de l’Ouest : exploitations familiales agricoles