avril 9, 2018
Nous construisons un système alimentaire mondial basé sur notre agroécologie et notre souveraineté alimentaire !
16 mars 2018 Comité international de planification pour la souveraineté alimentaire (CIP) Nous, représentant-e-s des personnes pratiquant l’agriculture paysanne et familiale, des sans-terres, des femmes rurales et des jeunes ruraux, des pêcheurs et travailleurs de la pêche, des travailleurs/-euses agricoles, des personnes vivant de la chasse et de la cueillette, des pasteurs et des éleveurs, des peuples autochtones et des consommateurs d’aliments du monde entier, tou-te-s membres du CIP, nous sommes réuni-e-s à Paarl, en Afrique du Sud, dans le but de progresser dans notre lutte pour la souveraineté alimentaire et l’agroécologie. Notre réunion s’est déroulée pendant la période de sécheresse la plus grave jamais enregistrée au Cap, seulement quelques semaines avant le « Jour zéro », qui marque le jour où la ville sera privée d’eau potable. Nous exprimons notre solidarité vis-à-vis des masses pauvres et marginalisées du Cap, dont la santé est compromise par la menace qui pèse sur l’accès à l’eau potable, comme c’est le cas dans de nombreux autres territoires. La crise de l’eau n’est qu’une des nombreuses graves menaces auxquelles nous sommes confronté-e-s dans le monde entier en raison des politiques néolibérales, de l’extractivisme et d’autres relations irrespectueuses avec la nature, qui conduisent à la crise climatique prolongée actuelle. Nous rendons hommage à notre camarade de lutte Kuria Gathuru, décédé en septembre 2017. En notre qualité de petits producteurs et petites productrices d’aliments, de consommateurs et consommatrices – englobant les citadins pauvres, les communautés marginalisées, les personnes réfugié-e-s, déplacées et vivant dans des territoires occupés – , nous dépendons des territoires liés à la terre et des territoires de l’eau ainsi que de l’accès aux terres et à l’eau, aux semences autochtones et à nos races animales, et de leur contrôle, pour produire et avoir accès à des aliments sains, abordables et nutritifs et pour préserver nos cultures et nos moyens d’existence. Une attention particulière doit également être portée à la protection de la pollinisation ouverte des semences, ainsi qu’aux abeilles et aux autres insectes, et à la protection de nos apiculteurs. La crise multiple que nous subissons aujourd’hui – dégradation et perte de nos terres, pollution des océans, diminution de l’accès à l’eau, progression des gouvernements réactionnaires, mainmise des entreprises sur les institutions et les structures de gouvernance, patriarcat capitaliste, industries extractives, xénophobie et politiques anti-migrants, croissance des inégalités économiques et des changements climatiques – fait planer une menace sur nos droits humains et sur la planète. Au cours des dernières années, le mouvement en faveur de la souveraineté alimentaire a réalisé de nombreuses avancées. Nous avons joué un rôle clé dans la réforme du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) des Nations Unies. Nous sommes parvenu-e-s à garantir l’approbation d’instruments au niveau des Nations Unies : en 2012, le CSA a approuvé les Directives internationales pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. En 2014, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a approuvé les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté. L’année 2014 a également été marquée par la décision de la FAO de créer un département pour faire progresser les priorités en matière d’agroécologie ; en 2016, le CSA a adopté un mécanisme novateur pour assurer le suivi de la mise en œuvre de toutes les décisions sur les politiques prises en son sein. Nous, membres du CIP, avons joué un rôle crucial dans tous ces processus et restons déterminé-e-s à travailler avec la FAO et le CSA, dans un bon esprit et sur la base non négociable des droits humains, notamment au regard du droit à l’alimentation et à la nutrition, dans le but de garantir la poursuite de la mise en œuvre de ces directives, tout en défendant leur sens. Les droits des femmes à participer aux espaces de décision restent compromis, dans un monde qui demeure dominé par les forces patriarcales. Nous reconnaissons le rôle central que jouent les femmes de tous les secteurs que nous représentons dans la souveraineté alimentaire et l’agroécologie, et nous engageons à lutter pour l’égalité des droits des femmes en mettant l’accent sur leur droit à participer au processus de décision à tous les niveaux. Le féminisme est au cœur de notre lutte pour mettre fin à toutes les formes de violence à l’encontre les femmes et pour éliminer le patriarcat. Dans la même veine, les jeunes ruraux demeurent largement marginalisés d’un point de vue politique, dans la société. Nous nous engageons à renforcer l’autonomie des femmes et des jeunes et à poursuivre notre lutte en faveur de l’équité et de la participation égale. Les droits des peuples autochtones sont intrinsèques et inaliénables. Bien qu’ils ne puissent pas leur être enlevés par de nouvelles lois, nous constatons leur violation croissante. Les territoires autochtones sont illégalement saisis par des sociétés transnationales – souvent avec le consentement et la complicité des autorités des États – qui satisfont ainsi leur avidité de nature et de profits. Nous restons déterminé-e-s à nous battre pour les droits des peuples autochtones et à poursuivre nos luttes dans les espaces où nous sommes présents, y compris les Nations Unies. Les sociétés transnationales (STN), y compris les entreprises de l’agroindustrie, les sociétés financières et les sociétés extractives et énergétiques, continuent de piller la nature et de réchauffer notre planète. Leurs modèles économiques capitalistes et extractivistes transforment la nature en actifs économiques et financiers. Les sociétés transnationales sont soutenues par l’OMC et les accords de libre-échange, qui ouvrent la voie à l’exploitation et à la destruction de la nature dans les pays étrangers ainsi qu’aux accapareurs des terres et des océans. Cela, ajouté aux gouvernements qui recherchent des gains économiques rapides au détriment des populations, donne le champ libre à la dépossession des personnes de leurs territoires. Face à la criminalisation, l’emprisonnement et même l’assassinat des défenseurs et défenseuses des droits humains et de l’environnement, nous exprimons notre solidarité vis-à-vis de toutes celles et ceux qui sont confronté-e-s à la violence au moment de défendre leurs communautés et la nature. Le changement climatique est l’un des défis majeurs de notre temps ; il nous force à agir. Nous connaissons des sécheresses plus fréquentes, mais aussi de graves inondations dues aux fortes pluies : ces deux phénomènes ont des effets tragiques sur notre capacité à produire des aliments, à nourrir nos populations et à maintenir nos traditions culturelles et nos moyens d’existence. La diminution de l’accès à l’eau est à la fois le résultat du changement climatique et de l’utilisation d’énormes volumes de cette précieuse ressource par les entreprises de l’agroindustrie et les sociétés énergétiques. Les solutions proposées par nos gouvernements pour atténuer les changements climatiques ne s’attaquent pas aux causes sous-jacentes et persistent à permettre aux plus gros pollueurs – à savoir les entreprises de l’agroindustrie, énergétiques et minières – de continuer à réchauffer notre planète. Les mécanismes d’atténuation proposés par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques – y compris le mécanisme REDD +, le carbone bleu et l’agriculture intelligente face au climat, également promus par la FAO – constituent de fausses solutions. Les réelles solutions pour mettre fin au changement climatique sont ancrées dans l’accès des peuples à la terre et à l’eau, et dans leur contrôle sur ces dernières, et dans la promotion de l’agroécologie, de la restauration de la nature et des paysages retenant l’eau. Nous continuerons notre lutte pour faire progresser nos solutions dans tous les espaces où nous sommes présent-e-s, notamment la FAO, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la Convention sur la diversité biologique et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. En dernier recours, lorsque la vie n’offre aucune alternative face à la dépossession de nos territoires ou les catastrophes climatiques, nous devons résister par la migration. Cependant, même dans ces circonstances, nous sommes criminalisé-e-s dans les pays où nous cherchons refuge pour y mener une vie meilleure. Il est urgent que justice soit faite ! Nous condamnons les politiques et les traitements inhumains réservés aux personnes migrantes du monde entier, qui subissent le harcèlement sexuel, l’esclavage et l’emprisonnement. Pour garantir que nos voix, celles de la base, soient entendues et que nos expériences soient prises en compte dans la prise de décision, nous conjuguerons nos luttes au niveau mondial à un renforcement de l’accent placé sur la gouvernance aux niveaux local, national et régional. Pour relever ces défis, nous nous engageons à œuvrer à l’autonomisation et l’amélioration de la communication dans et entre nos mouvements concernant les solutions concrètes que nous proposons, et qui existent déjà. De réelles alternatives au système alimentaire actuel sont déjà développées aussi bien à l’échelle locale qu’internationale à travers la production agroécologique, l’économie sociale et solidaire (qui comprend les marchés territoriaux), le développement de relations directes entre producteurs et consommateurs, les coopératives et les mécanismes et politiques de gouvernance citoyenne locale. Nous observons avec une grande préoccupation que de nombreux gouvernements à travers le monde réduisent leur financement en faveur des institutions des Nations Unies et que nombre de ces dernières, y compris la FAO et le CSA, travaillent sous une pression croissante. Nous sommes également conscient-e-s que les entreprises et les fondations philanthropiques profitent de cette situation en soutenant financièrement des programmes de l’ONU, achetant ainsi une influence politique. Il n’est donc pas surprenant que le financement des mouvements sociaux diminue, tout comme notre espace de participation. Pour répondre à cela, nous nous engageons à redoubler d’efforts pour mobiliser des ressources et faire pression sur les gouvernements pour qu’ils mettent en œuvre des politiques publiques et un appui à la vulgarisation en faveur de la production agroécologique ancrés dans les droits humains, en particulier le droit à l’alimentation et à la nutrition. Nous nous engageons à renforcer notre mouvement pour la souveraineté alimentaire et à donner à nos communautés, situées en première ligne, les moyens d’être plus fortes et de mener leurs luttes dans tous les espaces de décision politique. Pour relever les défis auxquels nous sommes confronté-e-s, nous continuerons à travailler avec la FAO, le CSA et la Convention sur la diversité biologique, et poursuivront nos travaux conjoints dans d’autres espaces institutionnels et stratégiques, notamment le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le Forum mondial alternatif de l’eau.
Amandla ! Awethu !
Organisations signataires: HIC/HLRN WFFP WFF IITC LVC MIJARC Urgenci FIMARC Australian Food Sovereignty Alliance IPACC